les ronces – Cécile Coulon

Les ronces, ça griffe, ça pique, ça déchire, ça effleure, ça chatouille. Les ronces, ça nous évoque la Nature évidemment, un souvenir d’enfance peut-être, la douleur sûrement. « les ronces » de Cécile Coulon, c’est tout ça à la fois : des sensations heureuses et douloureuses, des odeurs et des souvenirs, une panoplie de personnages. 

Il s’agit du premier recueil de poèmes de l’auteure. C’est plutôt sombre mais c’est surtout magnifique.

J’oublie parfois le pouvoir de la poésie, Cécile Coulon m’a offert une jolie piqûre de rappel.

«A vrai dire j’ai la chance d’avoir un très bel avenir derrière moi»
extrait de -LES RONCES-

«chaque matin nous nous levons
pour tout cela, pour régner quelques minutes
sur des rêves déjà suspendus
par la force des lumières vives
à d’autres branches couchées.»
extrait de -MERCREDI MATIN-

«dans ces moments où tu cesses de tourner avec le monde
quand tu ne comprends pas
que les autres ne puissent pas comprendre
que tu es blessée
que tu es cassée
qu’il y a dans ta tête la voix insupportable du passé
qui répète
« je te l’avais bien dit
je te l’avais bien dit »
dans ces moments où tu ne peux pas
aller plus loin que la porte de ta chambre
où ta colère est une valise pleine impossible à fermer
quand tu sautes sur ton coeur pour qu’il cesse d’aboyer »
extrait de -LA SURFACE, POÈME POUR CEUX QUI ONT MAL-

«Jusqu’ici, j’ai vécu accoudée aux balcons des montagnes
avec une cigarette entre les doigts et du foin dans les cheveux;
l’aube passait sur la campagne,
accompagnant les vols d’oiseaux
qui tournaient sur les moissons comme des danseurs
aveugles et amoureux.»
extrait de -FIN D’UN ESPOIR TENACE –

«Même au paradis, il y a des toiles d’araignées.
J’avais entre les doigts un monde restreint,
rond comme une pelote,
parfaitement équilibré.»
extrait de -VIVRE DANS LES HAUTES LUMIERES-

«Je ne reverrai probablement jamais cet homme. En tout cas, pas comme cela.
Depuis hier, je veux écrire sur lui, parce que je me demande qui de nous deux,
dans quelques mois, dans quelques années, sera trahi
par l’image qu’il s’est construite 
du monde extérieur ?
Sera-t-on encore quelques-uns à se serrer la main
à cette heure-ci du soir,
pour une barquette de frites tièdes et un Coca sans glace ?»
extrait de -J’AIMERAIS VOUS OFFRIR DES FRITES –

«je prends cette voix pour te dire
que tu ne dois pas en vouloir
à ton sourire
s’il continue, malgré toi,
de me faire la courte échelle. »
extrait de -MA VIE –

«Chacun possède sa nuit mais en vérité
c’est elle qui nous tient dans ses mâchoires;
comme la majorité de ceux qui ne savent pas éteindre les flammes qu’ils ont eux-même nourries
je reste éveillée longtemps;
j’ai peur de m’endormir,
j’ai peur de rêver,
alors je passe des heures à déambuler sagement
dans ma mémoire.»
extrait de -NOS NUITS-

«oublier qu’il faudra s’en aller
qu’il faut toujours partir
qu’il faut toujours rassembler les morceaux de soi-même
qu’on voudrait pourtant laisser
à quelqu’un d’autre que soi
que je suis restée là (…)
je suis restée là à penser qu’il ne faut pas choisir
à penser qu’il ne faut pas penser
car penser c’est subir
le poids de ce qu’on n’aura jamais»
extrait de -UNE LIONNE ROUILLEE-

«Noël est venu si vite que tu ne te souviens plus du moment
à partir duquel tu as désiré passer la majeure partie
de ton existence à rester en périphérie
des événements officiels.
Les enfants débordent d’une joie que tu as honte
de n’avoir pas su garder en toi, comme on retient
par la manche un vieux monsieur qui s’en va.»
extrait de -NOEL-

«Je donne tout.
En cachette, je garde dans mon coeur
ton coeur, dans mon ventre ton ventre,
dans mes yeux tes paupières,
en silence, je garde sur ma langue
ta langue, dans mes cheveux les tiens,
dans ma bouche ta bouche.
Ecoute :
je donne tout, je ne demande rien. »
extrait de -LA PUNITION-

«Peut-être que le pire réside
dans cette faculté d’oublier qu’un jour
ce genre de mouvement
magistral ne nous éblouira plus
et qu’il faudra sans doute
chercher dans d’autres ciels ce que le nôtre
contient déjà.»
extrait de -SANS MENTIR –

« La course, la vraie, est comme la poésie ou l’amour véritable; elle n’exige que l’essentiel. (…)
La course, la vraie, est une écharde plantée dans la pelote du soleil,(…) Courir c’est ruisseler de douleur, de la gorge aux talons, des poumons aux genoux; choisir d’abandonner au paysage, à la vitesse, tout ce qu’on ne sait pas faire de soi. »
extrait de -COURIR-

«Tout est possible.
J’ai beau savoir que personne ne coïncide
avec soi-même, je continue de croire
qu’il existe un endroit
pur de toute innocence stupide
où les hommes aveugles nous regardent
droit dans les yeux. »
extrait de -CROIRE-

«ce visage endormi que tes yeux éclaboussent
de ce bleu si profond où la nuit
je ramasse
ce qu’il faut de trajets de tes lèvres
à ma bouche»
extrait de -INTERLUDE-

«si seulement tu étais là, si seulement
tu cessais de t’engouffrer
ailleurs,
si seulement tu cessais de préférer
les sourires adorables des enfants amoureux
si seulement je savais où chercher
je pourrais te montrer
que je te mérite encore,
ma part de merveilleux.»
extrait de -MA PART DE MERVEILLEUX-

«Je suis arrivée à la conclusion suivante :
un poème c’est quelque chose 
d’éphémère et joli
comme la signature d’un doigt 
sur la buée d’une vitre.»
extrait de -LA PARTIE-

Ce livre a reçu le Prix Apollinaire 2018 et le Prix SGDL Révélation de poésie 2018.

Le Castor Astral, mars 2018, 168 pages

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