ACADEMY STREET – Mary Costello

Easterfield, Irlande, 1944. La mère de Tess vient de mourir de la tuberculose. La petite, âgée de sept ans, assiste à la descente du cercueil dans les escaliers de la ferme familiale. Elle est complètement démunie face aux événements. Personne ne lui explique ce qui va se passer et elle est trop jeune pour assister aux obsèques. 

Le père de Tess, sévère et froid, reste seul avec ses enfants. Il n’a jamais un geste d’amour envers eux, ce qui ne fait que renforcer l’absence de la mère au sein du foyer. Un vide immense se creuse dans le coeur de Tess. 

Après le décès, la famille doit s’organiser. Oliver, le benjamin, est placé chez la tante de Tess. Les enfants presque adultes secondent leur père aux travaux de la ferme et de la maison. Tess entre alors dans une grande solitude qui ne la quittera plus. 

Claire, l’une de ses soeurs aînées, est la seule à lui témoigner des marques d’affection. Mais celle qui est devenue une sorte de mère de substitution pour Tess, quitte la famille afin de tenter sa chance à New York.

Vivre à la ferme devient insupportable pour Tess. Une chape de plomb pèse sur cette famille partie en éclats au décès de la mère. Tess choisit alors de suivre des études d’infirmière à Dublin.

Ainsi s’achève la première partie du roman dans laquelle la mort est omniprésente. Cette famille de paysans doit faire face à la rudesse de la vie dans ce pays catholique il y a quatre-vingt ans. Les rituels religieux tiennent une place importante dans le récit. 

Je n’en dirai pas plus sur la suite de la vie de Tess, sinon qu’elle va se poursuivre à New York à partir des années 60.

Le destin de Tess représente celui de milliers d’Irlandais qui ont laissé leur pays d’origine derrière eux dans l’espoir d’une vie meilleure et qui ont participé au développement de l’Amérique. A l’époque, il s’agissait d’un choix bien plus définitif qu’actuellement, car le départ creusait un fossé énorme entre la famille restée au pays et le courageux exilé. 

Tess est une anti-héroïne, solitaire et timide qui doit faire énormément d’efforts pour s’intégrer dans la métropole. C’est sur ces terres qu’elle découvre le sentiment amoureux et devient mère.

A l’aube de la vieillesse, Tess trouve refuge dans les livres. 

« Ce n’était pas des réponses ou des consolations qu’elle trouvait dans les romans, mais un degré d’empathie qu’elle n’avait croisé nulle part ailleurs et qui atténuait sa solitude.(…) La pensée qu’à une époque lointaine, une personne – un étranger qui écrivait à son bureau – avait su ce qu’elle savait, ressenti ce qu’elle ressentait dans son coeur plein de vie, lui donnait confiance et force. Il est comme moi, se disait-elle. Il partage mes sensations. »

« Academy Street » est l’histoire d’une petite vie. Tess saisit les opportunités qui se présentent à elle mais n’exige rien. Elle sait se contenter et apprécier la beauté de l’existence. Une force tranquille.

« Les gens ne voient pas la beauté. Il ne savent pas que c’est dans les mathématiques en réalité que la beauté s’exprime. » Elle aimait l’entendre parler ainsi. « Qu’est-ce que tu veux dire par là ? Comment ? Comment la beauté s’exprime? »
Il réfléchit un instant. « Prenons le risque, le hasard. En mathématiques, il s’agit de probabilité. En probabilité la vérité est exprimée en termes clairs. La beauté de la probabilité, c’est que la vérité, si vague soit-elle, est logique. Un résultat, possible parmi une infinité de résultats, se produit. Les gens sont médusés par ça! Médusés par ce hasard. Mais pourquoi le hasard ne se produirait-il pas? A très long terme tout arrive. Tout est inévitable. »

« Academy Street  » est le premier roman de Mary Costello, il a reçu l’Irish Book of the Year Award en 2014, décerné pour la première fois à une femme.

« Il y a, chez certains d’entre nous, une solitude fondamentale… elle est en vous. »
Elle détourna le regard. Ils restèrent longtemps silencieux. « Vous savez quoi? » dit-il alors. Il fixait un point au bout du lit. « Je pourrais faire tenir ma vie entière sur une page. Tout écrire sur une seule page. » Il se retourna, planta ses yeux dans les siens. « Et je suis stupéfait que ce soit fini et de me trouver là, au bout du compte. » 

Ouvrage sorti de ma PAL dans le cadre du mois irlandais du Beach Book Club.

Editions du Seuil, 2015, traduit de l’anglais par Madeleine Nasalik, 187 pages

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