LÀ OÙ CHANTENT LES ÉCREVISSES – Delia Owens

Ce roman au titre si poétique, s’ouvre en 1969 sur la découverte du corps sans vie de Chase Andrews dans un marécage.

Retour dix-sept ans plus tôt en 1952. Barkley Cove est une petite ville de Caroline du Nord située en bordure d’un marais. 

Kya, six ans, vit avec sa famille dans une cabane du marais. Elle est la benjamine de la fratrie qui compte cinq enfants. Pa est violent et alcoolique. Un matin, Ma quitte la cabane et abandonne sa famille. Un à un, les frères et soeurs de Kya bien plus âgés qu’elle, quittent le domicile familial pour fuir la violence de leur père et cette vie de misère. Kya finit par se retrouver seule avec son père qui la délaisse complètement, jusqu’à l’abandonner à son sort dans la cabane du marais.

« On était maintenant en 1952, et certaines parcelles avaient été occupées par une série d’individus non répertoriés et sans rapport les uns avec les autres pendant plus de quatre siècles. Pour la plupart, depuis avant la guerre de Sécession. D’autres s’étaient installés sur ces terres plus récemment, en particulier après les deux guerres mondiales, quand les hommes étaient revenus ruinés et détruits. Le marais ne les assignait pas à résidence mais il les définissait, et comme tout sol sacré, il gardait jalousement leurs secrets. Nul ne se souciait de les voir occuper ces terres parce que personne d’autre n’en voulait. Après tout, ce n’était rien que des marigots inféconds.»

Mais le marais, Kya en a fait son ami. Elle le connaît comme sa poche. Au fil des années, elle deviendra une véritable spécialiste de sa faune et de sa flore. 

« Un marais n’est pas un marécage. Le marais, c’est un espace de lumière, où l’herbe pousse dans l’eau, et l’eau se déverse dans le ciel. Des ruisseaux paresseux charrient le disque du soleil jusqu’à la mer, et des échassiers s’en envolent avec une grâce inattendue – comme s’ils n’étaient pas faits pour rejoindre les airs – dans le vacarmes d’un millier d’oies des neiges. »

Surnommée « la Fille des marais » par les habitants de Barkley Cove, Kya, qu’ils considèrent comme une sauvageonne sera tout naturellement accusée du meurtre de Chase Andrews en 1969.

Durant son adolescence, elle fait la connaissance de Tate, jeune homme plus âgé qu’elle. Cultivé, gentil et attentionné avec Kya, il lui apprend à lire, écrire, lui fait découvrir la poésie et l’aide à approfondir sa connaissance des sciences. Malgré sa promesse, il finit par l’abandonner lui aussi afin de poursuivre ses études, sans pourtant ne jamais l’oublier.

Son seul contact humain est la relation amicale qu’elle entretient avec Jumping, propriétaire de la petite cahute où Kya va acheter le carburant de son bateau. Sa vie intérieure est très riche grâce au marais. Kya en fait partie. Nourrie par le souvenir de Ma qu’elle espère toujours revoir, Kya dessine et peint la nature qui l’entoure. Pourtant, la solitude envahit Kya.

C’est alors que Chase Andrews entre dans sa vie…

« Là où chantent les écrevisses » a été l’une de mes premières lectures de l’année et j’en garde un souvenir lumineux. Je n’ai pu résister à l’appel de cette magnifique couverture qui heureusement a tenu ses promesses de beauté. Si l’histoire en elle-même n’est pas toujours vraisemblable, elle m’a procuré le même bien-être que si je regardais aujourd’hui l’épisode d’une série dessins animés japonais de mon enfance. Ou mieux encore, Kya pourrait être une héroïne de Miyazaki. Je me suis attachée à Kya et à sa façon si enfantine de laisser couler la vie malgré les difficultés.

Mais surtout, dans une langue poétique magnifiquement traduite par Marc Amfreville, Diana Owens nous offre la Nature sur un plateau. Le lecteur sent les odeurs, il voit les pélicans, les plumes du grand héron bleu, les reflets du soleil sur l’eau et il sent son corps couché sur le sable alors que les aigrettes neigeuses décollent…

«Qu’est-ce que c’est que cette histoire d’écrevisses qui chantent? Ma aussi, elle disait ça. » Kya se rappela que sa mère l’encourageait toujours à explorer le marais : « Va aussi loin que tu peux. Tout là-bas, où on entend le chant des écrevisses. » 
« Ça veut dire aussi loin que tu peux dans la nature, là où les animaux sont encore sauvages, où ils se comportent comme de vrais animaux. »

Editions du Seuil, 2020, titre original « Where the Crawdads Sing », traduit de l’anglais par Marc Amfreville, 478 pages

2 Comments

    • meellaa

      Les photos ne sont pas de moi sur ce coup-là! Et je n’ai jamais visité la Floride ou la Caroline du Nord, mais un jour pourquoi pas…si ce livre te rappelle tes voyages là-bas c’est que les paysages doivent être grandioses .

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