LA TRAJECTOIRE DE L’AIGLE – Nolwenn Le Blevennec

Histoire classique maintes fois reprise en littérature. La narratrice, en couple avec Igor, mère de famille, rencontre un autre homme sur son lieu de travail, Joseph en couple lui aussi. Démarre entre eux une liaison amoureuse en bonne conscience, convaincus tous les deux qu’ils réussiront à mieux gérer l’affaire que les autres. Évidemment, il n’en sera rien. 

Très vite débordés par leur passion, ils peinent non seulement à trouver un équilibre, mais surtout à accorder leurs violons quant à la suite à donner à cette relation. Ils ne sont pas sur la même longueur d’onde. 

Si ce récit n’a rien d’original, le style est bel et bien particulier. La narratrice pratique l’autodérision à juste dose et adopte un ton presque détaché. On rit beaucoup, parfois jaune, mais la drôlerie de l’héroïne n’enlève rien à la clairvoyance dont fait preuve l’auteure. Au contraire, cette façon de traiter un sujet si classique rend la lecture de ce roman délicieuse. 

Nolwenn Le Blevennec analyse finement toutes les étapes de la passion interdite. 

«Sur Telegram, qu’on utilisait quotidiennement, son profil est passé en last seen within a week, ce qui veut dire qu’il n’y mettait plus les pieds. De manière ostentatoire. Stérilité générale de mon téléphone. Taper sur l’écran, inutile. Le secouer comme des maracas aussi. L’oublier quelque part et le retrouver, pareil. Rien. Les bulles rouges ne voulaient plus éclore. Dit comme ça, cela paraît ridicule. Mais l’ergonomie des réseaux sociaux n’aide pas les gens malheureux.»

Elle explore aussi avec beaucoup de justesse les relations dans le couple marié, les différences de perception de chaque partie et démontre l’absurdité de certains comportements amoureux. L’époux emmène la narratrice en voyage, elle s’agace de tout ce qu’il fait, elle aurait souhaité autre chose. Il pourrait faire n’importe quoi, rien ne servirait sa cause. Mais lorsque son amant lui offre une simple peluche, ou même une trousse et un stylo, elle est folle de joie. A la différence de certaines héroïnes, elle, se rend pleinement compte du ridicule de sa réaction. 

«Je me demande si on va devoir coucher ensemble tous les jours pour que j’aille à Ouessant. Si c’est le cas, j’ai peut-être la flemme.»

Un premier roman original, d’une lucidité implacable, dont vous comprendrez le titre à la toute dernière page!

Nolwenn Le Blevennec est une auteure que je continuerai de suivre sans hésitation.

Éditions Gallimard, janvier 2021, 176 pages

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