CE QUE JE NE VEUX PAS SAVOIR – Deborah Levy

«Ce que je ne veux pas savoir» est le premier volet d’un récit autobiographique de la romancière, dramaturge et poétesse britannique Deborah Levy. Née en 1959 en Afrique du Sud, elle a été finaliste à plusieurs reprises de différents prix, dont le prestigieux Man Booker Prize.

«Quand le bonheur est là on a l’impression de n’avoir rien connu avant, le bonheur est une sensation qui ne connaît que le présent de l’indicatif.»

En séjour à Majorque, où elle se trouve afin de  se recentrer et faire le point sur sa vie, la romancière revient sur son enfance passée en Afrique du Sud. Des souvenirs à la fois dépaysants et rafraichissants, mais également graves et sombres. Explorés à l’âge adulte avec le regard naïf d’une enfant. 

«Quand l’amour tourne mal, on se met à voir l’envers plutôt que l’endroit. Nos parents qui n’en finissaient plus de se tourner le dos. De créer un espace solitaire entre eux, même quand ils étaient assis à la table familiale. D’avoir le regard perdu à mi-distance. Quand l’amour tourne mal tout tourne mal.»

Aux Baléares, entre deux conversations avec son épicier chinois, dont elle ne connaît pas le nom et auquel elle n’a pas donné le sien, car il y est des choses que nous ne voulons pas savoir, Deborah Levy nous raconte son arrivée en Angleterre à l’adolescence, son parcours d’écrivain débuté sur les terrasses de greasy spoons à griffonner quelques mots sur des serviettes en papier. 

D’une écriture sobre, sensuelle, subtilement traduite par Céline Leroy, l’auteure britannique tente grâce à ses réflexions, de faire le point sur son statut de femme avec pudeur et humour. 

«Comme tout ce qui implique de l’amour, nos enfants nous rendaient heureuses au-delà de toute mesure – et aussi malheureuses – mais ne nous mettaient jamais dans un état aussi déplorable que le faisait le néo-patriarcat du XXIe siècle. Ce dernier exigeait de nous d’être passives mais ambitieuses, maternelles mais pleines d’une énergie érotique, dans le sacrifice mais comblées – nous devions être des Femmes Modernes et Fortes tout en étant soumises à toutes sortes d’humiliations, tant économiques que domestiques. Si nous passions la plupart de notre temps à culpabiliser sur tout, nous n’étions pas certaines pour autant de savoir ce que nous avions fait de travers.»

Toute personne qui écrit, sait ce que cet exercice implique. Si écrire s’impose comme un vrai besoin, au même titre que manger, boire ou dormir, il demande une mise en condition, un investissement, une énergie, un don de soi presque physique. Écrire est une quête éternelle de se ménager un coin d’esprit disponible à côté de ses obligations quotidiennes. 

En réponse au «Pourquoi j’écris» de George Orwell, Deborah Levy s’ouvre au lecteur, et partage avec lui les personnages qui l’ont inspirée. Marguerite Duras, George Orwell et Virginia Woolf, mais également Mélissa «la toute première personne qui m’ait encouragée à parler haut. Avec ses yeux peints et sa choucroute blonde presque aussi grande que moi, elle était courageuse, pleine d’entrain et faisait de son mieux avec ce qu’elle avait. Je ne l’entendais pas, mais je savais que cela avait à voir avec le fait d’exprimer ses pensées à voix haute, d’assumer ses désirs, d’être dans le monde plutôt que de le laisser nous abattre.»

UNE LECTURE COUP DE COEUR !

De plus, l’objet livre est une réussite : la photo de couverture tiré du film de Godard Vivre sa vie (1962), la typographie et la qualité du papier, tout est en harmonie et de qualité.

Lu il y a quelques semaines déjà, j’ai été très heureuse d’apprendre que ce livre et le suivant, «Le coût de la vie», sont récompensés par le Prix Femina étranger 2020.

Avec admiration et respect, je dis: BRAVO !

Éditions du sous-sol, août 2020, titre original «Things I Don’t Want to Know», traduit de l’anglais par Céline Leroy, 144 pages

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