ARCHIVES DES ENFANTS PERDUS – Valeria Luiselli

Une famille recomposée quitte New York en voiture en direction du Sud des Etats-Unis avec pour but final de se rendre à Apacheria. Ils n’ont pas de prénoms. L’épouse est la mère de la fille, 5 ans,  et l’époux est le père du fils, 10 ans.
Durant la première partie du roman, c’est la mère qui nous raconte leur rencontre, leur vie à New York, l’idée de leur départ. Ils sont tous les deux écrivains, documentaristes et enregistrent « les paysages sonores ».

« Lors de notre fête de mariage quelques années plus tôt, un ami nous avait dit, avec cette aura prophétique qu’ont certains hommes ivres juste avant de sombrer, que le mariage était un banquet auquel les gens arrivaient trop tard, alors que tout était à moitié mangé, que tout le monde était déjà trop fatigué et avait envie de partir, sans savoir comment ni avec qui. »

Le père travaille sur les Apaches et c’est pourquoi il souhaite se rendre sur place. La mère est intéressée par la crise migratoire des enfants sud-américains. Ils ont donc chacun un intérêt complètement différent à effectuer ce voyage.

« Et, comme le voyage devenait de plus en plus concret, j’essayais de me réconcilier avec l’idée que je n’avais d’autre choix que d’accepter une décision déjà prise, et ensuite j’ajoutais lentement mes propres conditions au contrat, faisant de gros efforts pour ne pas dresser un relevé détaillé de notre vie ensemble comme si elle pouvait désormais me donner droit à des abattements forfaitaires, une sorte d’estimation morale des pertes, des avoirs et des biens imposables. Autrement dit, j’essayais de toutes mes forces de ne pas devenir quelqu’un que je finirais par mépriser. »

La mère sait que leur couple ne survivra pas à ce déménagement. De façon très fine et lucide, elle dissèque son couple tout au long du récit. Ni heurts ni fracas, juste un couple usé.

« Certaines personnes, lorsqu’elles sentent que leur vie arrive dans une impasse, dynamitent tout et repartent de zéro. J’admire ces gens : des femmes qui quittent des hommes, des hommes qui quittent des femmes, des gens qui sont capables de détecter le moment où la vie qu’ils avaient auparavant choisi de vivre touche à son terme, malgré de possibles projets d’avenir, malgré les enfants qu’ils ont peut-être, malgré le Noël prochain, malgré l’emprunt immobilier qu’ils ont contracté, les vacances d’été et toutes les réservations faites, les amis et les collègues à qui il faudra expliquer les choses. Je n’ai jamais été douée pour ça – reconnaître que la fin est proche, partir quand il le faudrait. »

« La fin des choses, la vraie fin, ce n’est jamais un tour de vis bien net, ce n’est jamais une porte qu’on ferme tout à coup, mais ça ressemble davantage à un changement atmosphérique, des nuages qui lentement s’amoncellent – davantage un gémissement qu’un coup de tonnerre. »

Pourtant, les voilà tous les quatre partis pour plusieurs jours à l’intérieur de cet habitacle confiné. Dans le coffre, chacun a emporté « sa boîte ».

Au cours du voyage, la mère lit aux enfants « Elégies pour enfants perdus », qui raconte ces enfants qui voyagent sur les toits des trains, des numéros de téléphone brodés sur leurs vêtements.

Le père leur parle quant à lui de l’histoire de Geronimo et son peuple les Apaches Chiricahuas, de leur déportation, de la guerre. 

La famille se rend finalement sur la tombe de Geronimo. Elle assiste également au renvoi par avion d’enfants migrants.

Commence alors la deuxième partie du roman qui nous est racontée par le fils de 10 ans. Sa vision des choses diffère bien évidemment de celle de la mère, ce qui rend cette partie du récit intéressante. 

Souhaitant calmer le désespoir de la mère face à tous ces enfants perdus, ceux que l’on ne retrouve jamais, le fils embarque sa soeur avec lui pour partir à la recherche de deux fillettes migrantes que la mère espérait retrouver.

Nous suivons alors le périple des deux jeunes enfants inconscients des dangers qu’ils encourent. Le lecteur est alors naturellement poussé à imaginer le voyage d’enfants migrants.

La troisième partie et fin du récit est à nouveau racontée  par la mère. Les différentes parties sont enrichies de textes, documents et Polaroïd. 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce roman est très particulier. Se mélangent à l’histoire du voyage de cette famille, d’autres voyages historiques et actuels. L’écriture est très belle et souvent poétique mais la construction de l’ensemble du roman est surprenante et parfois même déstabilisante. Il s’agit d’un texte à la plume unique.

Voilà plusieurs jours que j’ai terminé ce livre avec soulagement je l’avoue. Le manque d’action, des longueurs sans intérêt et une recherche de sens à certains passages ont failli me faire abandonner cette lecture qui m’a pris beaucoup de temps. Pourtant, je dois admettre qu’elle me laissera un souvenir marquant.

Editions de l’Olivier, 2019, traduit de l’anglais par Nicolas Richard, 471 pages

2 Comments

  • Electra

    ah la fin de ton billet.. je crois que Marie-Claude a abandonné, je l’ai croisé hier à la bibli et j’ai failli l’emprunter mais bon j’ai tellement de livres à lire !

    • meellaa

      Le temps a passé et j’y repense souvent en bien, il vaut le détour. Mais très particulier, en plus c’est un pavé.

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