MA REINE – Jean-Baptiste Andrea

« Autrefois à l’école tout le monde était meilleurs amis sauf moi. C’était comme une grande boule d’amitié autour de laquelle je tournais sans jamais pouvoir entrer. »

Dès les premières pages, le narrateur, jeune adolescent, nous apprend qu’il est différent. On devine que les carences sont éducatives, sociales et cognitives… Le garçon a été forcé d’arrêter l’école pour travailler dans la station-service de ses parents.
Il n’a qu’une très vague idée de l’amitié. Il reste seul et sans explication à ses réflexions et ses questions.

Une nuit d’été 1965, il quitte la maison en douce pour partir « à la guerre ». Il veut prouver à ses parents et au monde entier qu’il est un homme. 

Echappé en pleine nature sauvage, sur un plateau qui surplombe la vallée de l’Asse, il rencontre une fille, Viviane. Comme tombée de nulle part.
Elle lui donne le prénom de « Shell » à cause du logo de la marque imprimé sur son blouson, seul vestige de sa vie d’avant.

Avec Viviane, il découvre le jeu et le pouvoir de l’imagination.

« Quand Viviane arrivait, je sentais bon le savon et j’étais prêt à faire ce qu’elle voulait. Elle inventait un nouveau jeu presque chaque jour. Je n’avais jamais joué avec quelqu’un avant, et elle n’avait pas voulu me croire quand je lui avais dit, jusqu’à ce que je lui explique que je n’avais pas de frère, que ma soeur était vieille, que personne ne me parlait autrefois à l’école alors avec qui j’allais jouer ? »

Viviane se fait passer pour une reine qui vit dans un château non loin. Shell doit respecter les règles qu’elle a mises en place. Pourtant, le lecteur devine une jeune fille au coeur cabossé qui a recourt à l’imagination pour fuir la réalité de sa vie.

Avec Viviane, Shell se sent important, il n’a plus l’impression d’être différent. Subjugué et fasciné par sa reine et ce qu’elle lui apporte, il lui obéit sans réaliser les dangers qu’il encourt. Mais son dévouement va le mener bien plus loin qu’il ne l’aurait imaginé.

« Ma reine » est un roman puissant sur la difficulté de grandir pour un enfant lorsqu’il ne possède pas les outils nécessaires et bien sûr sur le pouvoir de l’amitié et de l’amour.

Sous une plume magnifique, la nature et les odeurs du maquis nous sont contées. Nous sommes sur ce plateau avec le berger Matti, Shell et la reine Viviane. Et c’est la gorge serrée que nous tournons la dernière page.

« Ici dans la vallée l’été n’avait pas l’air de savoir qu’il allait bientôt devoir s’en aller. Personne ne lui avait rien dit et il s’était installé confortablement, un peu comme moi, sans penser très loin. »

Premier roman, édité en 2017 à l’Iconoclaste, « Ma reine » a été récompensé par plusieurs prix, dont le Prix Femina des lycéens 2017.

Folio, 2019, 222 pages

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