4 en 1 – L’ANOMALIE, JE SUIS LE GENRE DE FILLE, SATURNE, NATURE HUMAINE

Un petit retour sur quelques lectures qui m’ont occupée ces dernières semaines…

L’ANOMALIE – Hervé Le Tellier ◊ Ce livre a piqué ma curiosité juste avant qu’il ne soit couronné par le prix Goncourt 2020.

Juin 2021, un vol Paris-New York est détourné sur une base militaire américaine après avoir traversé une grosse turbulence. Il s’avère que le même avion a déjà atterri   à New York trois mois plus tôt avec à son bord les mêmes deux cent quarante-trois passagers… Alors que faire de tout ce petit monde photocopié? Impossible d’en dire plus pour ne pas gâcher le plaisir du lecteur. En suivant plusieurs personnages dont: un tueur à gages, un écrivain, une avocate, une pop star, l’auteur soulève des questions déontologiques, religieuses, scientifiques et philosophiques.

Surprenant par son style oulipien «L’anomalie» sème le doute et bouscule l’ordre établi. Doué d’une imagination débridée, Hervé Le Tellier n’hésite pas à faire travailler, voire surchauffer, les neurones de son lecteur.

«Aucun auteur n’écrit le livre du lecteur, aucun lecteur ne lit le livre de l’auteur. Le point final, à la limite, peut leur être commun.» 

Un roman intelligent, drôle, amusant, riche et très original!   

Éditions Gallimard, août 2020, 336 pages

 

JE SUIS LE GENRE DE FILLE – Nathalie Kuperman ◊ La narratrice débute chaque chapitre par «Je suis le genre de fille à… -ne plus supporter qu’on lui parle sur un certain ton, -qui se plaint beaucoup, -pour qui faire les bagages est une activité à plein temps» et poursuit son récit en s’ouvrant petit à petit au lecteur.

«Il y a peu de temps, je ne pensais pas à prendre mes lunettes pour me rendre au supermarché. Elles me sont devenues nécessaires. J’ausculte les étiquettes, je compare les matières grasses et les éléments nutritionnels. Dans mon enfance, on parlait de colorants. Ça me paraît loin. On a dépassé ce stade. Je me ruine chez Bio c’ Bon, et je revendique encore la possibilité de me ravitailler au Marché U. Mais tout ça prend du temps, un temps fou. Je faisais mes courses en un quart d’heure, maintenant j’y passe une heure. Je me demande parfois si ce temps que je vais perdre à tout examiner de près n’est pas supérieur à l’année que je gagnerais en mangeant sans me poser de questions.»

Malgré une construction un peu répétitive, chacun pourra se retrouver dans cette narratrice bonne copine. 

Une lecture sympathique qui m’a fait passer un agréable moment.

Folio, mars 2020, 224 pages (Éditions Flammarion, 2018)

 

SATURNE – Sarah Chiche ◊ Une écriture sublime. Voilà ce que je retiens de cette lecture. Un texte sur le deuil, la dépression, le poids des secrets de famille et l’amour passionnel. Malheureusement, j’ai très peu retenu de l’histoire trop introspective à mon goût. La qualité de l’écriture et certains passages bouleversants m’ont tout de même portée à la fin du récit.

«Les morts ne sont pas avalés, ni par l’eau ni même par la terre. Ils continuent de marcher parmi les vivants. Quand nos souvenirs avec nos proches s’effacent dans le lointain de chambres, d’écoles, de fêtes d’anniversaire, de champs, de sentiers de montagnes ou de plages, que nous n’arpentons même plus dans nos songes, restent les récits que nous tenons des autres. Puis, un jour, ces autres s’évaporent eux aussi. La dernière personne qui pouvait nous parler de la personne que nous avons perdue meurt à son tour; et dans cette césure fatale, le temps devient, dit-on, irréversible. Même le rêve n’en remontera plus le flot. Demeurent alors, si on les a pas jetés d’emblée, des robes ou des chemises, des livres lus et relus, des disques, des jouets, des brosses à cheveux, des lettres, des photographies et des films de famille en super-8 dans leurs boîtes de celluloïd noires où les gens qui rient aux éclats, posent devant des ruines, des musées, des pyramides, mangent des glaces l’air heureux, tiennent l’enfant que nous fûmes dans leurs bras, jouent avec un chien, font des château de sable ou soufflent des bougies d’anniversaire, sont touts mort.»

Sarah Chiche m’avait subjuguée avec son précédent roman «Les Enténébrés». Une auteure que je continuerai de suivre pour sa plume exceptionnelle.

Éditions du Seuil, août 2020, 208 pages

 

NATURE HUMAINE – Serge Joncour

«Jamais ces beaux croquis futuristes ne s’attachaient à représenter quelle forme auraient les prairies et les collines au troisième millénaire, pour les futurologues le monde paysan était figé à jamais dans ses usages, ringard pour l’éternité. D’ailleurs en l’an 2000, de la nature on n’en aurait plus besoin, on se nourrirait de gélules, tout seraient élaboré en laboratoire, la campagne ne servirait plus à rien.»

«Nature humaine» retrace la vie d’une famille d’agriculteurs de 1976 à nos jours. Le départ des grands-parents pour un pavillon tout confort ouvre le récit. Alexandre, le petit-fils a 15 ans. C’est l’arrivée du progrès à la campagne, le téléphone, les hypermarchés Mammouth. Plus tard, les deux soeurs d’Alexandre quittent la ferme pour étudier. Il est celui qui reste. 

Serge Joncour sensibilise aux problèmes que rencontrent les agriculteurs actuellement et aux changements auxquelles ils ont dû faire face durant les trente dernières années. Ce  vaste sujet est abordé en son coeur par l’histoire de cette famille attachante. L’écologie et son évolution sont placées au centre du récit et poussent naturellement le lecteur à se questionner sur l’avenir de notre monde. Une fresque historique et politico-sociale romanesque.

«Nature humaine» a été récompensé par le prix Femina 2020.
Flammarion, août 2020, 400 pages

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