L’EXIL ET LE ROYAUME – Albert Camus

Dernier ouvrage à avoir été publié du vivant de l’auteur décédé en 1957, «L’exil et le royaume» est un recueil de nouvelles qui m’a été conseillé par une amie.

Dans ces six textes, Camus explore la difficulté des êtres humains à trouver un sens à leur vie, tandis que leurs envies personnelles sont sans cesse confrontées à celles des autres. Les héros sont par conséquent insatisfaits de ne pas trouver «le royaume», sous-entendu le bonheur.

Installée dans mon hamac, je n’ai eu aucun mal à éprouver la sensation de chaleur écrasante d’Afrique du Nord que l’auteur sait si bien transmettre à son lecteur. Et comme toujours, la nature méditerranéenne fait partie intégrante du recueil puisque la plupart des nouvelles se passent en Algérie.

«Au-dessous d’elle, les terrasses bleues et blanches de la ville arabe se chevauchaient, ensanglantées par les taches rouge sombre des piments qui séchaient au soleil.»

LA FEMME ADULTÈREMa préférée du recueil. Contrairement à ce que pourrait suggérer le titre, il ne s’agit pas d’une femme qui trompe son époux avec un autre homme, mais d’une femme qui rencontre le désert. Cet événement lui révèle son insatisfaction dans son couple.

«Dans l’après-midi qui avançait, la lumière se détendait doucement; de cristalline, elle devenait liquide. En même temps, au coeur d’une femme que le hasard seul amenait là, un noeud que les années, l’habitude et l’ennui avaient serré, se dénouait lentement.»

LE RENÉGAT – Une nouvelle très sombre, voire obscure. Un  missionnaire chrétien tourmenté et proche de la folie se livre à un long monologue alors qu’il est prisonnier dans le désert. Un texte très actuel sur les ambivalences de la religion.

LES MUETS – Yvars, employé dans une tonnellerie d’Alger, ne réussit pas à trouver le bonheur sur son lieu de travail où les ouvriers luttent contre leur patron.

L’HÔTE – Daru est instituteur dans les montagnes algériennes. En plein hiver, un gendarme lui demande de conduire un prisonnier arabe aux autorités locales. Daru est confronté contre son gré à une situation qu’il ne n’a pas désirée. 

JONAS OU L’ARTISTE AU TRAVAIL – Seule nouvelle du recueil qui se déroule à Paris. La déchéance de Jonas le peintre qui n’arrive plus à créer dans son environnement familial.

En parlant de son épouse:

«Ce bon ange lui évitait les achats de chaussures, de vêtements et de linge qui abrègent, pour tout homme normal, les jours d’une vie déjà si courte. Elle prenait à charge, résolument, les milles inventions de la machine à tuer le temps, depuis les imprimés obscurs de la sécurité sociale jusqu’aux dispositions sans cesse renouvelées de la fiscalité.»

LA PIERRE QUI POUSSE – D’Arast, ingénieur français, arrive au Brésil pour y construire une digue. Accueilli tel un roi par les autorités, il est invité à participer aux rituels du village. Un texte très symbolique sur ce qu’un homme solitaire peut apporter à l’édifice collectif. 

Si j’ai trouvé ces nouvelles intéressantes et riches, parfois même visionnaires, ce qui m’a le plus subjuguée c’est l’écriture si harmonieuse d’Albert Camus. Chaque mot est d’une telle justesse. Evidemment me direz-vous… l’auteur est Prix Nobel de littérature. Bon, alors disons que j’avais un peu oublié que c’était si sublime!

«Un sourire épanoui sur son visage tout plissé malgré sa jeunesse, il regardait sans les voir les étoiles exténuées qui nageaient encore dans le ciel humide.»

«Il écoutait toujours ce grand bruit spacieux qu’il n’avait cessé d’entendre depuis son arrivée, et dont on ne pouvait dire s’il était fait du froissement des eaux ou des arbres.»

Folio, 1972, 192 pages (Editions Gallimard en 1957)

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