UN BARRAGE CONTRE L’ATLANTIQUE – Frédéric Beigbeder

Ça commence de manière déjantée. Une phrase par paragraphe. 

À la ligne.

Au moment même où l’on s’interroge sur la durée probable de ce style, Frédéric Beigbeder nous questionne sur notre endurance à tenir ce rythme.

Mais le voyage passe très vite.

Après Un roman français, publié en 2009 et couronné par le prix Renaudot, Frédéric Beigbeder nous revient avec un roman personnel. La cinquantaine atteinte, devenu père, il se retourne sur son passé, et sur l’homme qu’il est aujourd’hui.

«Quand on compare ses souvenirs avec ceux de ses proches, on s’aperçoit que la mémoire est une promesse fragile; nous ne sommes pas maîtres de ce qui restera, et rien n’est plus fluctuant que le passé.»

Souvenirs d’un temps perdu, où l’on dansait encore des slows, avant l’arrivée du téléphone portable et des SMS. L’auteur nous rappelle une foule de petits souvenirs oubliés, le mercurochrome, le Walkman Sony, replacés dans un contexte libre et insouciant, parfois aberrant vus d’ici – comme «Le Zizi» de Pierre Perret dont chacun connaissait au moins le refrain par coeur.

C’est la première fois que je lis un texte qui me parle de la génération de mes enfants les millenials. Ceux dont la jeunesse a été sacrifiée pour protéger les boomers d’un virus respiratoire, avec en héritage une planète foutue. Ils vivent l’inverse de Mai 68. 

Avec humour et acuité, Frédéric Beigbeder nous offre le témoignage d’une époque truffé d’anecdotes délicieuses. J’ai souri. Beaucoup. Surtout aux chips Zweifel au paprika sur les pistes de Verbier. 

Le plaisir de retrouver la plume sensible de l’auteur français reste intact. Lorsqu’il aborde la paternité, le fait d’élever des enfants pour ensuite devoir les laisser partir, l’évolution du regard que nous portons sur nos parents du passé et nos parents du présent, cette éternelle répétition, on sourit jaune.

Le récit gagne en profondeur. Plus d’espaces entre les lignes. À la Pointe du Cap Ferret, on verse une larme. Oui.

«Ce serait pratique si l’on pouvait choisir les gens qu’on va aimer toute sa vie mais le coeur humain fonctionne autrement. Il ne prend aucune décision. Quelques personnes lui sont attachées pour toujours. Nous n’avons aucun pouvoir sur nos sentiments. Personne n’a dit «je t’aime» à personne et pourtant c’est bien cette chose qui nous unissait au bout de cette langue de terre salée. L’amour, même vieux, usé et fatigué, reste de l’amour.»

Éditions Grasset, janvier 2022, 272 pages

 

7 Comments

  • katell

    Tes enfants ont plus de 25 ans? moi je croyais à la base que les millenials c’était aussi mes enfants (17 et 20 ans) mais non en fait! lol

    • meellaa

      Tu veux dire que c’est notre génération alors? 😜
      Léger décalage en effet, les miens tout juste la vingtaine mais le sentiment est le même! Merci pour la remarque ☺️

    • meellaa

      J’avais le même a priori que toi avant de lire Un roman français en 2009. Cette lecture m’avait fait complètement changé d’avis. Je crois que l’homme gagne à être connu et ma foi il écrit bien…

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