LE FILS DE L’HOMME – Jean-Baptiste Del Amo

Ce roman s’ouvre sur une scène d’introduction incroyable rarement rencontrée en littérature. Des descriptions saisissantes de la Nature et une grosse loupe posée sur la façon dont un fils apprend de son père, du besoin qu’il a de s’abreuver de l’exemple de celui-ci et non de quelqu’un d’autre. 

Le récit commence, cinématographique. Je pense à l’atmosphère pesante du début du film Il était une fois dans l’Ouest, à ses gros plans évocateurs peuplés de silences. 

L’écriture appliquée m’impressionne… serais-je en train de lire un futur classique?

«Si l’aiguille des secondes ne continuait pas sa course dans le cadran circulaire de l’horloge murale, si une mouche ne vaquait pas à quelques minuscule exploration de la table cirée, il semblerait au fils que la lumière de la fin d’après-midi a l’épaisseur de l’ambre et que le temps s’est définitivement arrêté.»

Un père, une mère et leur jeune fils s’installent aux Roches, une vieille bâtisse perdue dans la montagne. Ils vont vivre là pour un temps, une idée du père réapparu après des années d’absence. Le malaise se devine, la tension monte sans que la suite ne se laisse deviner. Une peur réelle m’envahit. Seule la Nature alentour, toujours détaillée et magnifique, me rassure. 

Dévoiler l’histoire serait gâcher, Le fils de l’homme doit se découvrir à tâtons. Seulement vous dire qu’il est question d’un père hanté par son propre père. Blessé dans son orgueil, l’homme va exercer une emprise terrifiante sur son fils et la mère de celui-ci. Incapable de se débarrasser des souvenirs du passé, le père va peu à peu sombrer dans la pure folie. 

Ce livre nous raconte de manière magistrale comment la violence se transmet entre générations.

Subjuguée, c’est le souffle coupé que j’ai refermé ce grand roman.

Le fils de l’homme, une tragédie de Jean-Baptiste Del Amo. 

«Car les hommes, plus qu’aucune autre bête peuplant cette foutue terre, naissent avec ce vide en eux, ce vide vertigineux qu’ils n’ont de cesse de vouloir désespérément combler, le temps que durera leur bref, leur insignifiant, leur pathétique passage en ce monde, tétanisés qu’ils sont par leur propre fugacité, leur propre absurdité, leur propre vanité, et quelque chose semble leur avoir fourré dans le crâne l’idée saugrenue qu’ils pourraient trouver dans l’un de leurs semblables de quoi remplir ce vide, ce manque qui préexiste en eux.»

Éditions Gallimard, août 2021, 240 pages.

10 Comments

    • meellaa

      Tu m’en vois ravie! Il y a longtemps que je n’avais pas lu un livre contemporain d’une telle puissance. J’aurais pu préciser que l’histoire est très dure.

  • Electra

    quand j’ai lu ton billet une première fois (dimanche ?), j’ai tout de suite été rebutée par le sujet et les extraits. J’ai donc décidé d’attendre et de revenir. Je ne lirai pas ce livre, c’est certain mais j’ai relu les citations et j’ai revu ma première sensation à la baisse. Je n’adhère pas au style, ni au propos du deuxième paragraphe que j’ai trouvé trop didactique lors de ma première lecture et très « judgemental » (le mot anglais me vient à l’esprit) : je ne supporte pas qu’on élargisse à l’humanité entière le comportement d’un seul individu du coup forcément je n’adhère pas au propos, ni au ton. Mais j’ai l’impression d’être très méchante ou de n’avoir rien compris..
    Enfin, mon père a trainé de grosses casseroles pendant sa courte vie héritée de son propre père, aussi je pense que ce livre ne m’apprendra pas grand chose hélas. Bref, j’espère avoir été claire et pas trop bête dans mes propos !

    • meellaa

      Si le sujet et les extraits ne te plaisent pas, c’est évident qu’il faut passer ton tour! Le style est appliqué, mais tant le vocabulaire très riche que l’écriture sensorielle m’ont beaucoup plu. J’y ai vu un côté classique que j’apprécie. Je comprends que le style puisse rebuter.
      En revanche, j’avoue ne pas bien comprendre ton propos sur le second extrait. L’auteur n’élargit en rien le comportement du père. Il parle justement d’une généralité. Pour ma part, je trouve ce paragraphe très juste, applicable à la plupart des êtres humains, à moi par exemple bien que je n’aie aucun trait commun avec le père du roman, heureusement.
      Cette histoire ne juge pas il me semble, du moins pas plus que d’autres. Elle raconte simplement comment se déroule la transmission d’un comportement entre un père et un fils. Et pour ça, l’auteur se contente de raconter une histoire particulière entre ce père-là et ce fils-là. C’est bien ton droit de ne pas lire ce livre, mais sans l’avoir lu il est un peu difficile d’en juger… enfin peut-être que mon billet n’est pas très clair non plus, je ne sais pas.
      PS Tu n’as l’air en rien méchante 🙂

  • Marie-Claude Rioux

    Le voilà enfin, le fameux coup de coeur?
    Il aurait pu me tenter il y a quelques temps. Mais avec ma tournure d’esprit actuelle, je passe mon chemin.
    J’avais abandonné son premier roman, Règne animal. J’avais la désagréable impression que l’auteur se regardait écrire. Son style trop appuyé, recherché, littéraire, m’a laissé en rade. Je butais sur chaque phrase, plutôt que de voguer sur chacune. Tu le sais, un style qui plaît aux uns ne plaît pas forcément aux autres.

    • meellaa

      Pas un coup de coeur, non. L’histoire aurait pu en être un, même si elle est plutôt terrible et un peur trop noire pour moi, mais si j’ai beaucoup aimé le style, littéraire tu dis vrai, il n’a pas été un coup de coeur, il ne m’a peut-être pas assez touchée ou il m’a manqué un peu d’originalité. Mon coup de coeur de cette rentrée va définitivement à Mon maître et mon vainqueur.
      Plusieurs lectrices m’ont dit que Règne animal était encore meilleur que celui-ci, tu ne me décourages pas, je le lirai peut-être un jour, je ne sais pas. Ici, le sujet m’intéressait et le prologue m’a soufflée, peut-être que le style m’aurait rebuté avec une autre histoire, je ne sais pas.
      Mais je peux imaginer ce que tu as ressenti concernant l’écriture. Moi, j’ai eu l’impression de lire un futur classique. Des goûts et des couleurs. Clairement, il sort un peu de mes habitudes de lecture.

  • Marie-Claude Rioux

    En quoi sort-il de tes habitudes de lecture?

    Les histoires terribles ne sont jamais trop noires pour moi. J’ai la couenne très dure! Reste que je pense que me ramollie un peu ces derniers temps!

    Quant au style… Nous avons tous nos cordes sensibles. Dire d’un roman qu’il est très bien écrit ne fait pas de sens pour moi. On devrait dire qu’on trouve ce roman très bien écrit. Nuance. À cet effet, ta réponse était bien nuancée! Certains préfèrent le lyrisme, un style poétique. D’autres un style plus tranché, sec. Et ceux qui aiment la diversité, comme d’aimer et l’opéra et le rap! Tous les goûts sont dans la nature et les goûts ne se discutent pas. Ils peuvent toutefois se partager.

    Très de bla bla. Je retourne à ma lecture!

    • meellaa

      Je ne lirais pas ce genre d’histoire car l’auteur va très loin. Si ce n’est jamais trop noir pour toi, je peux te dire que tu serais servi côté histoire.
      Pour le reste, je suis entièrement d’accord avec toi. Dire que c’est bien écrit ne veut pas dire grand chose. Chacun ses goûts et heureusement.

  • Violette

    L’écriture est sublime, je suis d’accord avec toi mais j’ai eu un mal fou à entrer dans l’oeuvre peut-être à cause de cette esthétique qui a manqué de simplicité mais une fois bien installée, je m’y suis plu.

    • meellaa

      Je comprends que l’on puisse buter sur le style, moi il m’a entraînée par son côté classique. Je file lire ta chronique.

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