AVANT L’ÉTÉ – Claudie Gallay

Lire Claudie Gallay nécessite de la patience. Non seulement elle ne publie pas souvent, mais l’atmosphère  de ses textes, d’une douceur enveloppante, donne au lecteur l’impression de ralentir le rythme du temps. 

Avec ce dernier titre «Avant l’été», la langueur atteint son paroxysme. D’ailleurs, les cinq cent soixante pages de ce roman ont presque entièrement occupé mon temps de lecture du mois de juin. Cette période chargée d’imprévus était mal choisie pour m’attaquer à un pavé, qui plus est, un texte de Claudie Gallay.

Chez elle, nulle intrigue bien nouée, absolument aucun suspens. Toutes ses histoires se déroulent dans un lieu sans attrait particulier, autour du quotidien de personnages communs. Pourtant, toujours, une délicieuse originalité habite ses romans. Un père collectionneur d’insectes écrit une ligne par jour dans son journal, un petit hôtel rescapé d’un autre temps, la météo telle un personnage, les bibelots d’une vieille actrice. On se croirait dans Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain.

«Des choses nous arrivent.
Elles pourraient arriver à d’autres.
Mais c’est à nous.»

Années 80, dans une petite ville en France, Jess, la vingtaine vit dans l’hôtel tenu par sa mère et sa grand-mère. Elle et ses quatre meilleures amies prévoient de participer à un défilé de mode dans le cadre d’un concours de talents. Elles vont occuper leur temps libre à préparer leurs costumes. Jess, sans emploi mais dont l’avenir semble déjà tout tracé, ne souhaite pas suivre l’exemple de sa mère. Ces jeunes filles rêvent d’une vie différente.

«Ma mère a un corps qui parle. Je devine, à sa façon brutale de couper la carotte, qu’elle est à cran, qu’il faut se méfier, surtout pas la chercher. Tchac tchac la carotte. Tout est tapi en elle, la colère, prête à bondir.»

Lorsque Jess devient la femme à tout faire de Madame Barnes, une personne âgée un brin excentrique, au coeur rempli de souvenirs touchants et rigolos à la fois, la jeune fille va peu à peu entrevoir la vie différemment. 

«J’ai longtemps cru qu’on pouvait ranger les gens en colonnes, ceux qui savent, ceux qui décident, ceux qui jugent, ceux qui blessent, ceux qui aiment, les gentils et les mauvais, les bons et les autres.
Aujourd’hui, je sais que ce n’est pas si simple, que nous pouvons tous, tour à tour, être celui qui sait, celui qui décide, qui juge, qui blesse, qui aime, être le gentil et le mauvais, être le bon et être aussi l’autre.
Je sais aussi qu’on change. Nous, mais aussi les choses.»

 

«Avant l’été», un roman empreint d’une rare sensibilité.

«Je pense à eux.
Je n’ai pas besoin d’être avec eux. Je suis avec eux. Je les porte en moi, dans mon coeur, dans ma mémoire, mes parents, ma grand-mère, mais aussi les lieux. Je n’ai pas besoin de les voir, ils sont vivants au-dedans de moi.»

Editions Actes Sud,  mai 2021, 560 pages

11 Comments

  • Laurence

    Oh! Comme tu me donnes envie de me replonger dans un rythme « Gallayen »… l’été, n’est-ce pas la bonne saison pour lire un tel roman?

    • meellaa

      Oui, sans conteste, une lecture idéale pour le hamac ou le transat 😉 Tu me diras ce que tu en as pensé hein?

  • Marie-Claude

    Oh que je suis tentée!
    Je ne connaissais pas l’auteure. À ce que je vois, elle est plutôt prolifique.
    Ce n’est pas ta première incursion dans son oeuvre, hein?
    Ce roman, de par son intrigue, m’intéresse. Il y a mieux, selon toi, pour apprivoiser l’auteure?

    • meellaa

      C’est vrai, il te tente? Cette auteure est une incontournable depuis que je l’ai découverte. Le genre de livre que j’achète les yeux fermés le jour de sa sortie, sans même connaître le sujet. Par contre, et il s’agit d’un avis personnel, ce roman-ci n’est pas mon préféré. J’ai trouvé le rythme encore plus lent que d’habitude, mais j’avoue que je n’étais peut-être pas dans les meilleures dispositions d’esprit.
      Les déferlantes m’a fait entrer dans l’oeuvre de Claudie Gallay, adoré, mais peut-être que j’avais encore plus aimé Une part de ciel. Il faudrait que je les relise… Tente le coup pour l’écriture, l’atmosphère, ces petits riens qui font la vie.

  • Marie-Claude

    Tant qu’a tenter le coup, j’aimerais une valeur plus sûre, sachant que ce roman-ci n’est pas ton préféré.
    Je vais plutôt zieuter du côté de Une part de ciel et/ou des Déferlantes, selon ce que je trouverai.

    Ça va bien avec Patrice Gain?

    • meellaa

      Dévoré quasi d’une traite! Une bonne découverte pour moi. Tu connais?

      Je n’ai rien lu d’autre depuis, trop occupée et toujours plusieurs chroniques en retard 🙃 dont le fameux L’été où maman a eu les yeux verts… quel livre!
      Plus que quelques jours de travail, ouf.
      Je me demande ce que tu lis toi…?

  • krol

    J’aime beaucoup Claudie Gallay, Les déferlantes, son roman majeur d’après moi, mais aussi La beauté des jours, Une part de ciel… Ici, j’ai eu du mal à entrer dedans. J’ai même failli l’abandonner. Et puis lorsque Jess est entrée au service de Mme Barnes, j’ai lu ce texte sans déplaisir et je l’ai fini rapidement. Mais, à mon sens, ce n’est pas son meilleur.

    • meellaa

      Je suis totalement d’accord avec toi. Ce n’est pas non plus celui qui m’a le plus plu. Mais je n’ai absolument rien à reprocher à l’écriture de Claudie Gallay, j’aime toujours autant. Ce roman était certainement un peu trop long. Mais en même temps, cela sert bien le rendu du rythme plus lent d’une époque révolue. Mais je te rejoins, ne pas commencer par ce roman pour entrer dans le monde de cette auteure.

    • meellaa

      J’avoue une légère déception, même si l’écriture est toujours aussi belle. Peut-être un peu trop long cette fois-ci, ou simplement pas le moment idéal. Mais je continuerai de suivre cette auteure, c’est certain.

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