LES OCCASIONS MANQUÉES- Lucy Fricke

Cela avait bien commencé entre nous. De l’humour, un ton ironique, un regard lucide sur les relations familiales, un bref passage en Suisse qui m’a fait largement sourire. Tout avait bien commencé.

Martha et sa meilleure amie Betty, deux quinquagénaires désabusées accompagnent le père de Martha de Hanovre jusqu’en Suisse, où il a choisi de mourir dans une clinique d’aide au suicide. Le père de Martha est un personnage attachant au caractère bien trempé. Malgré une santé précaire, rongé par un cancer incurable, il a souhaité effectuer le voyage au moyen de sa vieille voiture pas plus en forme que lui.

Le coeur fébrile, les voilà tous trois confinés pour plusieurs heures avec leurs angoisses, leurs souvenirs, et il faut bien l’avouer beaucoup de regrets. On fume pas mal, on pleure aussi.

«Dans mon esprit, nous appartenions à la première génération de femmes à pouvoir faire ce qu’elles voulaient. Résultat : il était aussi de notre devoir de faire ce que nous voulions, et de facto, nous devions vouloir quelque chose. Nos mères s’étaient battues pour ça. Nous devions réaliser nos rêves, nous devions en avoir.»

Pas très gai, mais franchement jusque là je me plaisais bien avec ces deux femmes et cet homme sur le point de mourir, parce qu’ils me livraient un bout d’eux-mêmes, évoquant le couple, l’enfance, la vie. Les mots de l’auteure allemande me charmaient.

«J’ai appuyé à fond sur la pédale, une petite colère dans le pied droit, un soupçon de compréhension dans le gauche.»

À leur arrivée en Suisse, l’histoire prend une direction totalement inattendue et le road trip n’en est plus vraiment un, le voyage se poursuit en Italie et en Grèce. Le récit gagne en légèreté mais perd en originalité pour tomber dans le convenu. 

Lucy Fricke m’a offert de la guimauve dont j’aurais préféré me passer. Il n’en demeure pas moins que j’ai passé un bon moment de lecture en compagnie de ce roman, inégal certes, mais agréable et plein de justesse.

«Dans cette vie, on ne pouvait exclure aucune catastrophe, de naissance on était tous capables de tout. Dans cette vie, chacun avait besoin de complices pour s’en sortir, même par temps apparemment calme.»

Éditions Le Quartanier, 2021, titre original «Töchter» paru en 2018, traduit de l’allemand par Isabelle Liber, 288 pages.

6 Comments

    • meellaa

      J’ai relu ta chronique, je pense que nous avons été touchées par le même syndrome. Mais je garde ton conseil de lecture en tête, car la qualité du livre m’a plu et j’ai bien envie de suive un peu cette maison d’édition.

  • Marie-Claude

    Ah… Que j’aime le ton et la tournure de ton billet! Il vient de rejoindre le sac destiné à la bouquinerie! Après une douzaine de pages lues, je n’étais pas plus emballée qu’il faut. Alors, si ça empire par la suite, j’ai bien fait de laisser tomber.
    Je deviens de plus en plus capricieuse et un «roman […] agréable et plein de justesse » n’arrive plus à me sustenter. Il m’en faut plus!
    Merci pour ça!

    • meellaa

      Après douze pages seulement? Alors je crois que tu as bien fait de le quitter et de le donner…
      Je ne regrette pas de l’avoir lu, mais je crois qu’il sera vite oublié.
      Tu as tout compris, agréable et plein de justesse, sans plus.

  • Electra

    Ah zut alors ! C’est étrange ces romans qui commencent très bien et puis soudainement semblent se perdre ! Bon, en tout cas, grâce à toi je sais que je peux passer mon chemin car le thème m’intéressait

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